CQ. Le statut d’ auto entrepreneur, c’est quoi ?
Créé début 2009, le statut d’auto-entrepreneur avait officiellement pour but de permettre à tous (salariés, retraités, étudiants…) de démarrer une activité. Une formule qui, dans la profession, a fait parler d’elle… c’est le moins que l’on puisse dire !
Dans la coiffure, dès son apparition, l’auto-entreprenariat n’a pas laissé indifférent. « Pour moi, c’est un piège ! » déclare tout de go Jean-Philippe Briatte, expert-comptable et gérant du cabinet Masuy (Paris 11ème), qui a une importante clientèle de coiffeurs. « C’est un filet jeté à la mer, que le gouvernement ramassera dans un an et demi. C’est pour lui l’occasion d’identifier une population marginale, qui faisait du travail au noir et s’est saisie de cette possibilité pour avoir un semblant de protection sociale. »
SOCIAL/FISCAL, LE NŒUD DE LA DISCORDE
Surtout, ce statut a souvent été accusé de créer une concurrence déloyale à l’encontre des coiffeurs « installés », pour cause de régime fiscal et social avantageux qui permettrait donc à ces auto-entrepreneurs de pratiquer des prix cassés. Cependant, ce régime est-il vraiment si intéressant ? Le cabinet Fiducial, largement implanté dans le milieu de la coiffure, a dédié un site à ce type d’activité. Olga Romulus, expert-comptable dans ce cabinet, relativise : « Tout d’abord, je voudrais préciser que ce nouveau statut, ce n’est pas une révolution ! L’auto-entreprenariat, c’est une forme d’entreprise individuelle. » Comme le fait remarquer un coiffeur que nous avons rencontré, si le pourcentage de charges est moins élevé, la base de calcul n’est pas la même. « Ce que cette personne vous a dit est vrai, souligne André Blandin, du cabinet de conseil ABM Consultants à Dinan (Côtes-d’Armor). Les auto-entrepreneurs ne s’acquittent que de 23 % de charges… mais sur la totalité du chiffre d’affaires. » « En entreprise individuelle, l’impôt sur le revenu est calculé sur les bénéfices, même chose pour l’impôt sur les sociétés lorsque le salon a opté pour cette forme juridique. Les charges sociales sont, elles, calculées sur le bénéfice ou la rémunération du travailleur non salarié », note Olga Romulus. Le chiffre d’affaires ne servant pas de base de calcul, la différence, à établir au cas par cas, ne serait donc pas si flagrante. Le lien habituellement fait entre auto-entrepreneur et prix cassés est-il alors imaginaire ? Tout de même pas. « Mais c’est avant tout leur structure légère -pas de salariés, souvent pas de local- qui permet à ces coiffeurs de pratiquer des tarifs d’appel », estime Olga Romulus. « J’ai vu des gens commencer en tant qu’auto-entrepreneur, puis acheter un salon ”classique” », observe André Blandin. Car il ne faut pas oublier que le chiffre d’affaires maximal autorisé est peu élevé : 32 100 euros cette année pour une activité de service. « Pour moi, reprend-il, on peut plutôt parler de ”concurrence révélée” : ce statut a contribué, dans la profession, à officialiser le travail au noir. Pour un jeune, ce peut être une façon de s’initier au métier de chef d’entreprise ; pour un senior, de valider quelques trimestres manquants pour la retraite. »
AUTO-ENTREPRENEUR ET RETRAITÉ
Terminer tranquillement sa carrière avec un statut souple et demandant « peu de paperasserie », tel est l’objectif de Patrick. Ce n’est pas un nouveau venu dans la coiffure. « J’ai 69 ans ! s’exclame-t-il, et j’ai commencé mon apprentissage en 1956. » Jusqu’au 1er janvier 2009, Patrick était artisan coiffeur quelque part en France, sous le régime de la micro-entreprise. L’an dernier, il a sauté le pas et est devenu auto-entrepreneur : « Aujourd’hui, les gens défilent pour réclamer le maintien de la retraite à 60 ans ! Or, mon épouse et moi, qui avons la chance d’être en bonne santé, gardons encore une petite clientèle de fidèles, avec un salon au rez-de-chaussée de notre logement. » Une clientèle assez âgée, qui décline doucement, avec des départs en maison de retraite… ou bien vers un monde meilleur. Patrick nous a contactés, lassé de voir l’auto-entrepreneur accusé de tous les maux : « On nous reproche nos 23 % d’impôts et charges, en oubliant que la base d’imposition n’est pas la même que pour les autres formes d’entreprise. Je paie peut-être un tout petit peu moins d’impôts et de charges sociales que dans le cadre d’un statut ”classique”, mais la différence n’est pas évidente. » Ce qui l’a attiré, lui, dans ctte forme d’organisation, « c’est la simplicité : on règle une fois tous les 3 mois, et voilà ! » Il n’a pas le sentiment d’être en concurrence déloyale avec les salons de sa région.
PRATIQUES DOUTEUSES
Bien sûr, toutes les situations ne sont pas idylliques. Les pratiques sont parfois douteuses : « On voit des gens qui se sont installés comme coiffeur à domicile avec le statut d’auto-entrepreneur rappeler les clients des salons où ils travaillaient auparavant », note Jean-Philippe Briatte. Situation qui, cela dit, se rencontrait déjà avant la création de ce statut. « De toute façon, les personnes véritablement autonomes peuvent très bien monter des salons, souligne-t-il. C’est un secteur dans lequel ouvrir sa propre affaire reste abordable. » Un an après sa création, en janvier dernier donc, le régime de l’auto-entrepreneur avait séduit 320 000 Français… mais dont 60 % ne déclaraient aucun chiffre d’affaires, puisqu’ils avaient abandonné leur projet ou mis en sommeil leur activité. Le revenu moyen n’est que de 775 euros mensuels et, autre point noir, nombre de demandeurs d’emploi se sont précipités vers cette formule censée s’adresser aux salariés et aux étudiants. Et dans la coiffure ? Difficile d’obtenir des chiffres précis sur le nombre de coiffeurs auto-entrepreneurs. D’après certains observateurs, ce nouveau statut concerne en priorité le secteur du bâtiment. Mais on compte aussi des coiffeurs, souvent à domicile. « Pour moi, ce statut d’auto-entrepreneur n’est ni à diaboliser ni à considérer comme une panacée ! » conclut André Blandin.
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• chiffre d’affaires maximal (pour 2010) : 32 100 euros pour les prestations de service
• prélèvement libératoire trimestriel ou mensuel (au choix) calculé sur le chiffre d’affaires, pour les prestations de service BIC (la coiffure notamment) : 21,30 %
• versement mensuel ou trimestriel libératoire de l’impôt sur le revenu, évalué à partir du chiffre d’affaires : 1,70 %
• création et radiation extrêmement simplifiées et rapides
• inscription au Registre des métiers, mais dispense des frais d’immatriculation et du stage de préparation à l’installation