A la sempiternelle question « Comment accroître le chiffre d’affaires global de la coiffure ? », plusieurs réponses ont déjà été apportées, comme nous avons pu le constater. Mais la plupart du temps, les pistes envisagées et mises en œuvre pour faire croître ce chiffre n’ont servi qu’à compenser sa baisse. Par exemple, aujourd’hui, la majorité des femmes a les cheveux colorés : n’est-ce pas un service très rémunérateur pour un coiffeur ? Certes, mais elles ne viennent plus au salon qu’une fois tous les 3 mois, et non toutes les semaines comme avant. Autre idée pour développer le marché : puisque peu de gens ont les moyens de s’offrir une séance chez le coiffeur, pourquoi ne pas jouer la carte du low-cost afin d’augmenter la part de clientèle potentielle ? La formule séduit, mais, malheureusement, aussi bien les habituées des salons que les clientes occasionnelles. Une autre réponse apportée au problème qui semblait marcher avant la crise : proposer plus de services, notamment via les soins. C’était une bonne idée, mais cette démarche est pour l’instant bloquée en raison de la perte de pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens.
S’INSTALLER SUR LE CHEMIN DES CONSOMMATEURS
Parmi les nombreuses réflexions engagées pour renouveler le service coiffure, un concept intéressant est apparu il y a 8 ans : un espace de coiffage rapide signé John Frieda, blotti au cœur du Sephora des Champs-Elysées. Ou comment venir à la rencontre des femmes, aller les chercher sur leurs lieux de passage, pour leur proposer un service express et financièrement abordable. Une initiative sans lendemain, qui a cependant inspiré en France quelques approches similaires, restées isolées. L’idée s’est mieux structurée dans plusieurs pays étrangers, essentiellement anglo-saxons et asiatiques. Pour sa part, Jean-Claude Aubry a rêvé d’aller plus loin encore en créant « Le Kiosk », un petit salon clés en main qu’on pouvait implanter aussi bien au sein d’un rayon beauté d’hypermarché que dans une galerie marchande. Mais, là encore, le concept s’est peu développé, les chaînes d’hyper n’ayant pas adhéré à la démarche. Et pourtant, depuis 6 mois, un nouvel ovni commence à faire parler de lui : « Beauty Bubble » propose ainsi un concept déjà opérationnel sur 7 emplacements. On le retrouve dans une rue de Paris (rue Treilhard, un petit salon de 15 m²), mais aussi entre deux escalators d’une gare (Montparnasse à Paris) -ce qui est plus inhabituel !- ou au milieu des allées d’un centre commercial (La Part-Dieu à Lyon). Implantation encore plus intéressante : celle qui s’est concrétisée dans un Carrefour Planet de la périphérie lyonnaise. Cet hypermarché d’un nouveau genre est découpé en univers qualitatifs à la façon des grands magasins, avec des stands thématiques, dont un bel espace beauté où trône une bulle de coiffure sous le label Beauty Bubble. En outre, à la mi-novembre, la jeune enseigne a investi une allée de l’aéroport de Lyon, et on devrait la retrouver avant Noël au milieu du métro parisien (gare de Lyon) ! L’idée : quelques mètres carrés dédiés à l’achat d’impulsion, pour une coupe, un coiffage ou une petite prestation d’esthétique, notamment de traitement des ongles. « Dix euros, en 10 minutes », résume son créateur, Nicolas Langer. Encore du discount ? Pour Hugues de Braucourt, qui vient juste d’ouvrir son premier « Be Now » à Lyon, la réponse est non : il s’agit d’un autre type de consommation. Son concept est là encore basé sur des services rapides, abordables -mais pas bradés ; coupe, coiffage, esthétique, petits massages, etc. Le tout proposé dans des zones très fréquentées. Ce genre d’approche volontariste est aussi promu par une grande maison de produits, L’Oréal Professionnel. Lors du dernier Mondial Coiffure Beauté (MCB), elle a présenté plusieurs belles idées qui pourraient bien inspirer les salons de demain. On a ainsi pu y redécouvrir les incontournables concepts intégrant la notion de développement durable. Mais une autre réflexion, qui renouvelle l’approche de la coiffure masculine, a été mise en avant : il s’agit d’un nouveau lieu de rendez-vous dédié à la fois à la coiffure et aux événements sportifs, et exclusivement réservé à nous, les hommes ; probablement parce que nous le valons bien ! Enfin, sur ce même MCB, Eric Léturgie était chargé d’animer un espace discret construit autour d’une idée plus simple et pourtant au cœur du métier : le coiffage. Le « Style Minute Lab » est ainsi un lieu dédié à la seule coiffure, pour les clients souhaitant juste une remise en beauté rapide avant un rendez-vous de travail ou une soirée. Coiffage en 10 minutes, 10 euros ! En 20 minutes, 20 euros ! Le point commun entre toutes ces nouvelles initiatives, c’est la volonté d’aller au-devant des attentes des consommatrices et d’investir des lieux où elles n’ont pas l’habitude de voir un service coiffure, afin de créer chez elles une envie de beauté. Le rêve sous-jacent à cette démarche étant, non pas de prendre forcément des clients aux salons classiques, mais d’en séduire de nouveaux. Et il s’agit aussi d’accroître la fréquence de consommation « coiffure » en élargissant les possibilités pour la clientèle d’y avoir accès, et en cherchant à satisfaire une impulsion d’achat « détente », « plaisir » -et pas seulement purement utilitaire, comme c’est malheureusement de plus en plus souvent le cas dans le métier !
DES PRIX AU PRORATA DU TEMPS PASSÉ
« Vous ne trouverez ni soin, ni shampooing, ni coloration chez « Beauty Bubble », explique Nicolas Langer. Nous nous positionnons comme un prestataire de services rapides, de dépannage ou d’opportunité. Ce type de travail doit être effectué par un personnel très bien formé, notamment à la coupe à sec. Nous ne faisons pas dans le bas prix, mais proposons une consommation unique en son genre. Les tarifs sont serrés parce que nous passons peu de temps avec chaque client et que nous ne disposons pas d’une structure de salon classique… » L’enseigne se positionne comme une sorte de « touche d’essai » de la coiffure afin d’amener la clientèle à en consommer plus. Elle vise aussi à accueillir des personnes qui se rendent à d’autres moments dans des salons offrant des services plus traditionnels et complets. Même idée de fond chez « Be Now », avec cependant une approche un peu différente, comme l’explique Hugues de Braucourt : « Nous sommes dans une logique de prestations rapides, mais délivrées sur des emplacements de 25 à 50 m² où l’environnement est qualitatif (bois et mobilier professionnel au top) : la notion de service haut de gamme en coiffure, beauté et bien-être est ici primordiale. Notre première unité de la Part-Dieu, à Lyon, située à la jonction du centre commercial et du métro, fonctionne avec 6 collaborateurs : 5 coiffeurs détenteurs du BP (ou près de l’obtenir pour la dernière arrivée) et une esthéticienne titulaire d’un BTS. Nos prestations sont axées sur des contenus mixtes, et pas uniquement ”coiffure”, à l’instar du service ”L’afterwork”, qui consiste en une retouche maquillage associée à une pose de vernis et à un styling cheveu. Je propose à la cliente le meilleur rapport qualité-prix-temps ! » Point commun de l’enseigne avec « Beauty Bubble » : « Be Now » se positionne comme complémentaire des salons classiques, pour une consommation différente entre deux passages du client chez un coiffeur. En conséquence, il n’y a pas de proposition de techniques dans les quatre nouveaux « Be Now » qui devraient ouvrir d’ici l’été prochain, notamment dans le métro parisien (Madeleine et Opéra pour commencer). Et, à l’orée de 2012, une dizaine de créations d’unités dans quelques grandes villes devraient suivre. L’approche de L’Oréal est, elle, un peu différente, comme le détaille Sébastien Robinet, directeur international du développement business en charge de « Style Minute Lab » : « Notre rôle, c’est d’inspirer les coiffeurs, de leur apporter des idées. Ce concept de petits salons (environ 30 m²) positionnés au cœur de lieux de fort passage et exclusivement dédiés au stylisme et au brushing, sans prestations coupe ni couleur, existe déjà dans d’autres pays. La logique est de susciter une nouvelle envie, en proposant des looks simples autour de visuels créés pour l’occasion. Le coiffeur réalise le travail, conseille les clients et les aide à recréer ces coiffages. Ceux-ci sont ainsi ”désacralisés” et rendus abordables, afin d’entretenir chez les consommateurs l’impulsion de changer régulièrement de look. Le professionnel prend ensuite les femmes qui se laissent tenter en photo, puis il l’envoie sur leur boîte mail afin qu’elles puissent faire le buzz en la postant sur leur compte Facebook. Pour dire : ”Aujourd’hui, je sors coiffée glam-rock !”, par exemple ! »
AUGMENTER L’ENVIE ET LA CONSOMMATION DE COIFFURE
C’est L’Oréal qui a lancé l’idée. La marque met à la disposition des coiffeurs des éléments et des fournisseurs, afin qu’ils puissent créer des espaces, puis laisse ces coiffeurs, qu’ils soient indépendants ou franchisés, s’approprier ces espaces à leur façon. Chacun rebondit ensuite comme il l’entend, en montant une unité spécialisée ou en mettant en place un corner dans un salon classique, à animer à l’occasion de happy hours organisées, par exemple, lors des creux d’activité. Cerise sur le gâteau : la revente de produits spécifiques adaptés à un look et du petit matériel qui permet de varier les coiffages. Et Sébastien Robinet d’insister : « Le but est de faire du coiffeur un coach, de donner l’habitude aux clientes d’intégrer leur consommation coiffure dans une logique de plaisir et d’en avoir une vision ludique. » Ces initiatives (« Beauty Bubble », « Be Now » et « Style Minute Lab ») sont quelques exemples forts, issus d’une réflexion qui a abouti à ce constat : le développement de l’activité des salons classiques a ses limites, et la relation nouée avec les clients et les prospects a besoin d’être renouvelée. En fait, cette façon d’aller chercher la clientèle et de tenter de la séduire avec des offres simples mais concrètes a déjà fonctionné dans d’autres secteurs. Alors, pourquoi pas dans la coiffure ?