Les chignons banane et boule forment la base de nombreux travaux et l’on pourrait penser que la difficulté consiste à en sortir et à innover, à coups de mèches lissées ou ondulées, de queues de cheval, catogans et autres tresses. Eh bien, non ! Plus que les idées, ce sont les techniques d’applications et le bon sens qui font souvent défaut lors du travail de chignon. Le bon sens avant tout et son corollaire : le « bon goût » ou plutôt, le visagisme. A vouloir à tout crin se lancer dans la construction de tours de Babel, on en oublie que la cliente n’est pas un modèle de show (pour ne pas dire de foire), et que la simplicité est souvent l’approche la plus efficace. Elégance et rapidité d’exécution en découlent souvent naturellement. La personnalisation se travaille ensuite dans les détails : mèches libres ou éclatées, torsades et autres mèches en décoration, ou encore petites tresses voire rajouts pour apporter la touche finale.
DONNER DE LA LIBERTÉ AUX ATTACHES ET AUX CHIGNONS
Un temps oublié, le chignon boule est revenu doucement au moment même où Nicole Kidman a tourné sa première pub Chanel. Reste que, parmi les élégants intemporels, c’est le chignon banane qui figure en meilleure place. « Ce n’est parfois qu’une base. En tout état de cause, il n’est pas à utiliser pur, au risque de donner un coup de vieux par un traitement trop classique », explique Franck Avogadri. Un petit éclaté en dessus de tête, quelques mèches pour encadrer le visage et le classique prend une autre dimension. L’orientation du chignon donne aussi un aspect plus contemporain : des côtés trop relevés et le rendu sera vieillot, mieux vaut renvoyer le mouvement vers l’arrière. « Mais il n’y a pas de règle absolue, car il faut tenir compte des règles du visagisme en conservant le coiffant naturel du visage qu’avait la personne en entrant dans le salon (sur le côté, en arrière, avec une frange), ajoute-t-il. Un chignon en bas de nuque peut être sympa, mais seulement s’il n’est pas trop tiré, là encore pour éviter l’aspect rigide. Les mèches qui habillent le visage doivent l’adoucir, et rappeler la façon dont la cliente se coiffe habituellement, ainsi elle se l’approprie plus facilement. Et surtout, il faut faire simple, en salon. à trop vouloir jouer les croisements, on construit un chignon désuet, pas pratique. En prime, le coiffeur risque de se bloquer sur la technique au lieu de penser au résultat. » Ainsi, un simple chignon banane aminci apporte une touche d’élégance. Une boule « basique » peut simplement être rehaussée d’une mèche qui serpente, d’une nuque éclatée, de mèches frontales croisées ou d’une frange qui descend sur l’œil.
Reste qu’avant même d’en arriver là, il faut déjà préparer sa base de travail, en premier lieu par un lissage de qualité. « Le cheveu ne doit pas être trop léger, il faut donc éviter l’application d’un shampooing trop détergent, voire ajouter une mousse qui gainera la fibre capillaire. » Brushing, lissage, application du lisseur ou crêpage, tout est dans la préparation. « Si la mèche donne l’impression de se poser toute seule, c’est parce qu’elle a été correctement travaillée », insiste Franck Avogadri. Un point patiemment expliqué par Jean-Pierre Cazaux lors du stage « chic basic » de l’INFC, mis en place par la Fédération. « Le retour sur les conseils de base donne aux coiffeurs, en deux jours, une bonne maîtrise des outils, ce qui leur permettra d’éviter les principaux écueils. Savoir positionner le point d’attache, faire des séparations, poser des élastiques, mettre en place des attaches simples ou comprendre comment créer une asymétrie les aident à prendre confiance et à donner libre cours à leur imagination, en s’appuyant sur une construction solide ! » Comprendre en quoi le point d’attache agit sur le positionnement des volumes, sans à peu près, permet d’éviter bien des déboires. Même le chignon banane peut se faire de plusieurs façons : en une fois, en deux fois et en superposition. Séparer les étapes permet notamment d’avoir moins de cheveux dans la main et de mieux les positionner.
MAÎTRISER LE LISSAGE ET LE CRÊPAGE
Si nombre d’attaches et de chignons ne nécessitent pas de crêpage, cette technique s’avère pourtant indispensable pour être libre dans sa création. « Les stagiaires maîtrisent mal le crêpage au début, ce qui les empêche de libérer leur créativité, constate Jean-Pierre Cazaux. C’est normal, ils ne l’ont pas appris. Ils sont en général trop légers dans le geste, ou font des nœuds. En fait, ils dosent mal le geste, s’arrêtent trop tôt et ne tendent pas bien la mèche. » Franck Avogadri insiste lui aussi sur ce point qui paraît -à tort- « simple » à trop de coiffeurs. « Le crêpage ne sert pas qu’aux coiffures en volume, il permet également de mettre en place un soutien, parfois juste sur quelques points. Ensuite, on décrêpe le dessus à la brosse, sans trop insister, en douceur. Certains crêpent toute la chevelure et sont bien ennuyés après ! C’est pour cela qu’il faut bien avoir en tête le résultat recherché, cela évite les gestes inutiles. être précis, avec un geste sûr et non précipité, évite de passer trois fois sur la même mèche. Un crêpage se fait intense en racine ou plus mousseux et doux selon les cas. » Les deux coiffeurs insistent sur un élément important : en salon, un chignon ne doit pas prendre une heure de travail, une bonne demi-heure est largement suffisante -et plus rentable !-, voire beaucoup moins pour des jeux simples d’attaches. « Lorsque l’on commence à s’éterniser, c’est souvent que l’on a mal préparé son cheveu qui, du coup, se place mal », tranche Franck Avogadri.
Mais l’un des plus grands secrets d’un chignon réussi, outre le respect du style de la cliente, c’est… le dialogue, et le diagnostic, comme pour toute prestation ! Le dialogue pour construire en commun et se comprendre, pour expliquer à la cliente ce que l’on va faire et pourquoi, mais aussi pour savoir si elle s’attache les cheveux et comment. Ainsi s’approprie-t-elle ce travail. Quelques conseils peuvent lui permettre de reproduire une partie du travail chez elle et ainsi d’ancrer son goût des attaches. Le diagnostic est aussi très important car, selon la nature du cheveu, tout n’est pas possible. Un chignon décoiffé sur un cheveu lourd a des chances d’être périlleux : il faut adapter les styles à la matière cheveu autant qu’au visage. Ainsi le crêpage d’un cheveu naturel est plus difficile que pour un cheveu coloré, et il convient d’en tenir compte. C’est en partie pour cela qu’il faut maîtriser plusieurs techniques, pour que le savoir-faire ne soit pas un frein, quel que soit le diagnostic.
SE FORMER ET S’ENTRAÎNER RÉGULIÈREMENT
Autre grand secret : l’entraînement ! La pratique permet d’acquérir de la fluidité dans le geste. « En coupe, les coiffeurs se débrouillent plutôt bien, car ils en font toute la journée, constate Jean-Pierre Cazaux en stage. Pour le chignon, c’est plus difficile, mais les têtes malléables servent à ça ! » La pratique permet de ne pas se bloquer sur le geste, afin de mieux se concentrer sur ce qui est important : la recherche créative. Les deux coiffeurs notent l’importance d’insister sur les techniques de base avec les stagiaires, car un trop grand nombre de néophytes veulent aller directement au résultat sans consolider leur travail. Alors qu’en avançant doucement, on va finalement beaucoup plus vite ! Ensuite seulement, viennent les petites idées ou les trucs de chacun. Franck Avogadri n’hésite ainsi pas à construire une belle tresse, puis à en extraire quelques cheveux afin de casser l’uniformité, ou à créer une torsade au peigne à même la tête avant de la tirer comme une tresse : « c’est bien pour les cheveux très lisses et difficiles à travailler ». Jean- Pierre Cazaux agrémente les stages de l’INFC d’explications sur les techniques babyliss, l’utilisation du gaufrier, la réalisation de crans ou la tresse afin de montrer comment personnaliser et jouer avec les cheveux. Avec comme idée directrice : conserver les techniques qui ont fait leurs preuves, mais éviter les interprétations trop strictes. Même les mariées veulent du fun, avec des attaches plus libres, déstructurées… mais qui durent toute la journée ! « Le chignon reste essentiel pour le coiffeur, il est au cœur de l’artistique, c’est une sculpture qui lui permet de s’extérioriser. Il lui manque juste quelques bases, mais lorsqu’on les donne aux stagiaires, ils nous proposent des créations intéressantes en seulement deux jours, insiste Jean-Pierre Cazaux. Le chignon et les attaches sont associés à des événements festifs qui apportent un petit plus agréable à la pratique quotidienne, nous devons transmettre ce savoir-faire pour que la pratique perdure
QUAND LE CHIGNON BANANE SE FAIT ROCK’N’ROLL…
Cette saison, le chignon joue l’esprit « rockabilly », comme avec cette création vue sur les podiums et signée Stéphane Lancien (équipe studio L’Oréal Professionnel) pour Isabel Marant : un chignon « doublement » banane, puisque l’élégante construction classique est ramenée sur le sommet du crâne, à la façon d’une banane de rocker ! A porter avec humour et légèreté, impérativement…