Le vieux slogan qui désignait de façon moqueuse les hippies, "cheveux longs et idées courtes", n'est vraiment plus d'actualité ! Aujourd'hui, les coiffeurs fourmillent d'idées nouvelles pour ces dames aux cheveux longs. Ou comment tirer le meilleur parti d'une tendance. "Il y a quelques années, dans les endroits hype de Paris et de la Côte, on a commencé à voir pas mal de filles aux cheveux longs : l'amorce d'une tendance !", se souvient Eric Pfalzgraf (salons "Coiff1rst"). Sur les podiums, la tendance "cheveux longs", fréquente chez les tops, s'est accentuée. Et la rue a fini par suivre. Après des années de coupes effilées, l'heure est aux formes plus pleines. Plus longues aussi. Les femmes ont également compris que le "toujours plus court" ne les faisait pas forcément paraître plus jeunes. D'où une inquiétude chez certains coiffeurs : tout ceci ne va-t-il pas à terme entraîner une perte de chiffre d'affaires ?
EN AVANT, TOUTES !
D'abord, qu'entend-on par "cheveu long" ? En gros, cela commence quand le cheveu touche les épaules, ou descend un peu au-dessous. Bien sûr, cela ne convient pas à toutes. A chacune sa longueur idéale, selon son visage, et la matière de ses cheveux. Eric Pfalzgraf a un vrai goût pour le cheveu long : "chez moi, cela concerne 9 femmes sur 10", affirme-t-il. Et ce n'est pas pour autant que son affaire périclite ! Gérard Kuchno et Laurent Delafoy ("Maison Gérard Laurent" à Forbach), installés près de la frontière avec l'Allemagne, ont choisi, aussi, de se concentrer sur le cheveu long, par opposition à ce qui est en vogue outre-Rhin, plutôt dans le style "court ébouriffé". Avec ce positionnement, ils attirent nombre d'Allemandes, "très exigeantes", dans leur salon.
En premier lieu, une chevelure longue n'est belle que si elle est saine. A elle, les masques, les soins profonds, nourrissants, pénétrants... "Dès qu'il y a cheveu long, il y a usure", explique Eric Caselli (2 salons "Eric Coiffure" en Lorraine) : "nous préconisons donc la prévention, à l'aide de soins profonds". Chez Coiff1rst, un coin du salon est devenu un véritable "spa" du cheveu, où on ne pratique que des soins : épaissir, travailler la brillance, les pointes... énumère Eric Pfalzgraf. Le programme est vaste. D'autant que celles qui se sont donné du mal pour laisser pousser leurs cheveux y sont en général très attachées. Petit truc livré par David Lucas, coiffeur à l'Institut René Furterer, près de la Madeleine, à Paris : "Pour la nuit, je conseille aux femmes de natter leurs cheveux longs en une grosse tresse lâche, ce qui évite qu'ils frottent entre eux, qu'ils s'emmêlent..."
LA COUPE QUAND MÊME
Bien sûr, l'époque où l'on brûlait les pointes pour éviter les fourches est loin... Couper régulièrement la chevelure est cependant indispensable, même s'il faut faire attention aux termes employés (voir encadré ci-contre) ! Les cheveux longs très dégradés, qui formaient une sorte de pointe dans le dos, ne sont plus d'actualité. L'heure est plutôt aux masses plus pleines, aux lignes nettes. On voit des carrés longs, même très longs. Cependant, un léger dégradé autour du visage permet souvent d'adoucir, voire même d'obtenir un effet "cheveux courts" sur les pourtours en effilant autour du visage, comme le suggère Alain Divert (salon "Alain Divert", Paris 2ème). "Ou bien, propose Franck Avogadri (salon "Franck Avogadri", Paris 6ème), on peut dégrader le plateau supérieur, de l'arcade sourcillière au vertex, par un effilage très léger, en laissant un carré plein dans le dos. Autre possibilité : dégrader à partir de la mâchoire et en-dessous, pour un effet tout en douceur."
Les cheveux longs autorisent aussi toutes sortes de jeux sur les franges, et les jonctions frange/longueurs. "Les "petites franges", je ne vois pas l'intérêt, déclare tout de go Franck Avogadri. On fait beaucoup de franges au salon, mais qui partent toujours de très loin, du point d'équilibre jusqu'au ras des sourcils."
TECHNIQUE : LA VIRTUOSITÉ AU PROGRAMME
Question couleur, on oublie les balayages "du haut en bas", de la racine à la pointe, tout comme les "têtes entières". "Pas de couleur uniforme chez nous sur cheveux longs, à une exception près : celle qui veut jouer le côté très long/très lisse", confirme Laurent Delafoy. "Sinon, sur un cheveu coloré proche de la base naturelle, on apporte des touches de lumière." On privilégie le travail sur des zones bien choisies, par exemple la frange, les bordures... Les pourtours du visage seront par exemple illuminés par des pointes plus soutenues. Le vintage est à l'honneur, avec, chez Eric Pfalzgraf, un "vernissage" au pinceau pour marbrer les longueurs, par exemple dans des tons caramel sur une brune. Eric Caselli propose des mèches "scotch" : sur une frange, il éclaircit la demi-longueur pour donner un effet bombé. "Sur cheveux longs, on travaille beaucoup en voiles, avec deux tons d'écart, miel sur châtain foncé, par exemple", note Franck Avogadri. "Ou en balayages au pinceau, par touches, effleurements." L'idée étant toujours d'accrocher la lumière pour éviter le côté parfois un peu "terne" des longues chevelures. Ce type d'effets est à refaire tous les deux mois environ. A noter : souvent, il est préférable de couper d'abord les cheveux et d'appliquer ensuite la couleur qui sublimera la coupe.
Pour préserver la beauté du cheveu, David Lucas "allonge" très peu la coloration lors des visites successives, "ou alors avec un colorant moins fort qu'en racines, les écailles étant déjà ouvertes". Il choisit par exemple de mixer une coloration d'oxydation en racines avec un produit plus doux sur les longueurs, ou de jouer sur le degré de concentration du produit. Laurent propose des "bains de charme" pour que le balayage vieillisse mieux.
Et pourquoi pas un léger service forme ? "Si l'on veut du volume sous la nuque, on peut faire une légère permanente partielle en soutien en bas de nuque, avec des mèches de recouvrement plus lisses", suggère Alain Divert.
Question coiffage, la créativité est de mise. Pour une sortie ou au quotidien, les cheveux longs sont une mine d'idées ! Très tendance : l'ultra-lisse, réalisé avec les plaques lissantes en céramique ; les brushings, bien sûr, très lisses ou au contraire très bouclés. "Je me sers du fer à boucler pour obtenir des effets mousseux", note Eric Caselli. Chignons, attaches... "L'idée, c’est de savoir transformer la matière de la cliente, résume David Lucas, en lui proposant des coiffures "réversibles". Pour un effet naturel, on peut donner du volume en racines grâce à l'air chaud du séchoir, en lustrant les longueurs avec de l'air froid.
"Une idée pour un soir, propose Alain Divert : une coiffure "courte", en roulant les mèches vers l'intérieur : on obtient une sorte de carré avec un effet ébouriffé." Franck Avogadri réalise toutes sortes de chignons, "des choses vrillées d'où sortent plein de petites mèches." "Pour le soir, si, comme nous, on n'est pas très "chignon", note Laurent Delafoy, on peut se tourner vers des attaches rapides et naturelles, avec 2 ou 3 pinces... même pour un mariage !" Il n'est plus rare en effet de voir une jeune mariée conserver ses cheveux longs. "Pliage de cheveux pour imiter le court, petits chignons, attaches toutes simples... énumère Eric Pfalzgraf, ce ne sont pas les idées qui manquent."
DES MISES EN PLIS MODERNES
"Nous proposons aussi des effets coiffés qui ne demandent pas trop de temps de réalisation, et qui ne sont donc pas trop chers", précise Eric Caselli, car si c'est le coup de massue à chaque fois, c'est un peu décourageant." L'important étant aussi le dialogue avec la cliente, pour cerner ce qu'elle sait ou souhaite refaire toute seule chez elle.
En passant, on note le retour de la mise en plis. "Certaines femmes ont besoin d'avoir le cheveu qui brille... Bien sûr, il faut placer les cheveux sur les rouleaux d'une certaine manière, pour apporter naturel et brillance", précise Alain Divert. Qui a dit que la mode était un éternel recommencement ? "Je pratique une "mise en plis" moderne, poursuit Eric Pfalzgraf : le cheveu est mis en forme sur une dizaine de brosses rondes, je fais un brushing, j'utilise éventuellement le Babyliss..."
Et puis, comme le font remarquer les coiffeurs, "les cheveux longs sont précieux, car la femme a patienté pour les obtenir ! Elle sélectionnera donc son coiffeur de manière attentive et sera fidèle si elle est satisfaite
ON NE VA PAS COUPER LES CHEVEUX EN QUATRE !
Avec une cliente aux cheveux longs, plus que jamais, on fait attention aux mots qu'on emploie... Car il sont le résultat de mois, d'années d'attentions et de patience. Alors, il y a des mots qui fâchent, comme "couper" ou "raccourcir", par exemple. Même assortis de l'adjectif "un peu". On parlera donc de préférence "d'alléger", de "destructurer légèrement le dessus, pour plus de volume", "remettre les volumes en place", "redessiner" la coupe, "densifier". On pourra aussi expliquer, comme Laurent Delafoy ("Maison Gérard Laurent", à Forbach), que retravailler un peu les pointes "donnera de la personnalité" à la coiffure.
TARIF "CHEVEUX LONGS" : POUR OU CONTRE ?
Un tarif spécifique cheveux longs se justifie-t-il ? Parmi tous nos interlocuteurs, seul Eric Pfalzgraf s'y refuse : "Je trouve que la différence de quantité de produit ne le justifie pas ! Chez nous, les tarifs varient selon le niveau du coiffeur." Ailleurs, la tarification "cheveux longs" est de mise, parfois pour la couleur et le brushing, dans d'autres cas seulement pour la couleur. Raisons invoquées : le produit "qui, de qualité, coûte quand même cher", et surtout, "le temps de travail". "Chez nous, précise Franck Avogadri, le prix est aussi fonction du nombre d'étapes nécessaires à la réalisation de l'effet recherché : parfois, jusqu'à trois en couleur." Il paraît que si c'est bien expliqué, les clientes le comprennent et l'admettent sans problème. Encore une fois, tout est dans la communication...
La Rédaction de L'Eclaireur www.leclaireur-coiffeurs.com