Effilés et piquetages profonds ont envahi les shows puis les salons depuis longtemps. En chemin, beaucoup ont perdu de vue l’essentiel : ce sont des techniques de finition. Les coupes mal construites vieillissent mal. D’où un retour aux bases… Une coupe floue ne doit pas rimer avec travail approximatif. Les shows sont trompeurs, on y voit les coiffeurs effiler, attaquer des piquetages profonds, déstructurer une coupe qu’ils ont pris soin de structurer en coulisse. Il y a 5 ans, les professionnels de la formation coupe, y compris chez Toni&Guy, pourtant un temps symbole de la coupe trash, mettaient en garde contre les risques de travail bâ clé avec des coupes vieillissant mal. Effiler dans la masse -en prime sur cheveux secs !- demande un savoir-faire que l’on retrouve chez quelques spécialistes, tel Michel Brosseau, un habitué de cette figure de style. Lui peut se le permettre, mais rien n’est moins évident ! D’autant que le coiffeur doit s’adapter aux exigences de la mode et surtout des modes de vie. La clientèle espace ses visites, il convient donc d’allier une double exigence technique : lui proposer de la nouveauté régulièrement et plus prosaïquement réaliser des coupes qui tiennent plusieurs semaines voire plusieurs mois.
USAGE ET ABUS DE L’EFFILAGE
Effiler à outrance n’est donc pas la meilleure approche, d’autant moins que cette technique fait perdre de la matière en altérant la structure du cheveu. Ajoutez-y une clientèle majoritairement colorée et l’écueil qui s’annonce est évident : la couleur tient moins bien, le cheveu filasse se ternit rapidement. D’où la généralisation d’autres approches chez des formateurs qui bannissent souvent l’effilage de leur vocabulaire. La coupe, mèche tendue, de quelques cheveux en un geste précis, léger et subtil, permet d’alléger l’ensemble sans abîmer les cheveux restants. Alors que le discours dominant actuel use et abuse des références aux soins et au naturel, la coupe s’adapte en respectant le cheveu avec en prime, pour être rentable, une idée de personnalisation. Nouveau ? Pas vraiment si l’on en croit Luis Llongueras, l’Espagnol le plus célèbre de France, rappeler « le secret de ma ? ? ? ? depuis les années 70 ? Trouver des coupes simples à réaliser dans la construction -après beaucoup d’entraînement !- et les adapter. Chez moi, 80 clientes ressortiront avec 80 coiffures différentes dans la journée. » Et pourtant, chacun reconnaîtra la touche du maître ! Cette façon de voir est finalement assez proche de celle de Stéphane Amaru, directeur général de Toni&Guy France. Ayant touché dans un premier temps les milieux branchés de la capitale, il s’est construit une réputation de coiffeur trash. « Cela fait des années que le trash est passé », insiste-t-il pourtant à longueur de discussion. Simplement, il s’était adapté à sa clientèle, qui est aujourd’hui devenue bien plus large. Ceux qui connaissent Toni&Guy savent bien que la formation est, au contraire, très structurée, tout comme les coupes. Chaque année, une nouvelle technique est « inventée ». Pragmatique, il s’est même fendu d’une coupe « longue durée », le « flat cutting », pour correspondre aux réalités du terrain, des clients occasionnels et infidèles. « Je fais la décoration avant les murs grâce à cette technique progressive qui texturise et construit. » Ce qui signifie qu’il fait les finitions et la construction de sa coupe en une seule technique à plat, sans élévation, une technique ardue pour le néophyte… Ainsi le client repart avec une coupe qui tient et, cerise commerciale sur le gâteau, la coupe devient, au fil des visites, très difficile à lire et à reproduire par un coiffeur non-initié. Le client qui veut la même chose est obligé de revenir ! « Cette technique est bien adaptée aux coupes sur cheveux frisés et peut durer quatre à six mois. Nous perforons à l’intérieur tout en solidifiant les pointes », explique succinctement Stéphane.
MAÎTRISER LES BASES POUR DURER…
Régulièrement, Jean-Louis Déforges dénonce la perte de technique rigoureuse au profit d’un délire déstructuré « soi-disant créatif » mais surtout non maîtrisé. Stéphane Amaru ne dit pas autre chose en créant des coupes parfois déstructurées mais dans une logique de « longue conservation », progressive, où les longueurs continuent de se placer lors de la repousse. Il reconnaît cependant qu’aujourd’hui les coiffeurs qu’il rencontre ont des techniques correctes, bien qu’uniformes selon les régions. D’autres sont moins indulgents, comme Jean-Louis Déforges depuis des années, mais aussi Jacques Dessange qui déclarait, il y a 2 ans, « la coupe rasoir n’importe comment passera avec le retour d’une élégance années 30, géométrique ou avec des crantés ». Ce mouvement n’est pas encore là, mais les abus du rasoir l’ont en effet desservi. Il est en forte régression aujourd’hui : l’image est plombée auprès du public. Mais les vrais coiffeurs attendent en embuscade que les clientes oublient un peu, et surtout que les coiffeurs maladroits arrêtent de sévir pour relancer l’instrument, autour de nouvelles techniques.
« Les coiffeurs en salons sont actuellement bloqués sur l’effilage à outrance alors que les effets associés peuvent être obtenus avec de la technique. Ils essaient d’imiter Toni&Guy en ne retenant que le déstructuré, sans voir ce qu’il y a derrière : c’est du sabotage », s’insurge Daniel Montesantos de l’académie éponyme. Ils effilent directement dans la masse, sans aucune maîtrise de la méthode de coupe. Travailler des mèches courtes à l’intérieur en décalage, en alternance avec des mèches longueurs, sans jonction, sans enlever la matière des pointes. » Réduire l’épaisseur ou au contraire en donner sans massacrer une chevelure en quelque sorte. « Un classique aujourd’hui est le travail de la coupe et de la couleur, Vidal Sassoon fait cela depuis le début ! La seule règle importante pour moi est de programmer sa coupe, d’avoir en tête le résultat pour réellement construire son travail. » Lui-même, à l’instar des techniques prônées par Stéphane Amaru, travaille plutôt la construction et la finition en un geste, mais cela demande des années de pratique ou un instinct que tout le monde ne possède pas. Daniel aussi voit bien revenir les coupes structurées, en réaction, dans quelques années « mais la tendance actuelle en salon reste au flou.
LA BEAUTÉ ET LA TECHNIQUE
C’est sympa, reste que tout coiffeur devrait commencer par apprendre les coupes pleine puis les dégradés et ne pas oublier que l’effilage reste une finition. De même je n’ai rien contre les effets de scène et le beau geste élégant, tant que l’on n’oublie pas le principal : être efficace, ce qui vient naturellement lorsque l’on possède ses bases. Moi aussi j’aime jouer, et tourner mes ciseaux lors de la coupe, mais ce simple effet de style demande des heures d’entraînement ! » Luis Llongueras est aussi un adepte de la mise en scène mais insiste sur l’art de se libérer de la technique pour ne pas couper mécaniquement, mais avec son cœur et sa pensée. Stéphane Amaru insiste de son côté sur des techniques faciles pour la clientèle qui « veut du prêt-à-porter, sans problème pour se recoiffer. Le problèmes des coupes droites d’il y a 20 ans est qu’elles ne fonctionnent qu’avec un brushing. » Il faut dire que chez Toni&Guy, 20 ans c’est beaucoup, vu que chaque année une nouvelle technique est mise en place avec de jolis noms… mais aussi des résultats. Beaucoup de coiffeurs ont repris le « deep point cutting progressif » tournant les cheveux sur les doigts, lesquels sont protégés par la masse, avant une coupe en pointe. « Brick cutting », « blunt slicing », « block cutting » (en larges sections) les noms de techniques progressives pour des coupes longue tenue se succèdent. « Depuis, nous sommes passés à autre chose (le flat cutting), mais dans tous les cas, je préfère la texturisation à l’effilage qui appauvrit. » Les coupés glissés, aux ciseaux ou au rasoir, ne sont pour autant pas voués aux gémonies, mais ils demandent du doigté et de bons outils. « L’astuce d’une bonne coupe, c’est beaucoup de classique et un peu de tuning… » D’ailleurs, chez Toni&Guy, le travail actuel joue les « futurs classiques », c’est-à-dire un renouvellement des classiques. Les sassooniens et autres adeptes des jeux géométriques n’ont pas dit leur dernier mot, la multiplicité des modes permettant de jouer des coupes floues et des coupes nettes. C’est aux créateurs de nous donner les techniques qui vont avec. Déjà pointent de belles coupes géométriques piquetées en douceur afin de casser un peu les lignes et rendre les coupes plus faciles à recoiffer.
Rappels simples : QUELS OUTILS DE COUPE ?
- LES CISEAUX DROITS : La maîtrise de ces derniers est la base et permet de tout réaliser. À utiliser comme un prolongement de la main et du bras tout en déterminant ses angles de coupe et en tenant sa mèche précisément. Les formateurs le rappellent, les mauvaises habitudes se prennent au début et se corrigent difficilement après. La vraie maîtrise : savoir garder une ligne de coupe droite dans un geste rapide sans revenir sur une mèche déjà coupée. Les coiffeurs formés à la technique peigne-ciseaux, iront jusqu’au 7’ voire 7 1/2 . Généralement on s’arrête au 5 1/2, d’aucuns trouvent le 4 1/2 trop limite, ralentissant le travail, d’autres estiment que tout est question de technique et de détermination « d’itinéraire de coup » en amont du travail et qu’un esthète aura –au moins- une dizaine d’outils sur lui ! Les lames courtes évitent de se couper l’intérieur des doigts.
- LES CISEAUX SCULPTEURS : Ils ont connu leur heure de gloire même si l’on note un fort recul depuis 4 ans. L’outil est formidable mais mal utilisé, masquant le manque de technique . Trop utilisé pour désépaissir : sur le coup l’effet est bon, mais à la repousse des petits cheveux de dessous l’effet obtenu sera souvent une augmentation du volume, surtout sur cheveux bouclés ! Il est utile pour travailler les cheveux qui marquent tels les raides ou les colorés, évitant l’effet de barre et dessinant les volumes en douceur. À préférer en finition, sur cheveux quasi secs, voire pour les dernières corrections d’un dégradé. Une utilisation en effilage léger en racine sur cheveux fins peut apporter du volume. Adoucir les carrés sur le dégradé de nuque, alléger les pointes ou donner un éclaté sur des coupes courtes en brosse, tout est possible.
- LE RASOIR ET RASOIR DE SÉCURITÉ (EFFILEUR): L’outil maître de la période mise en plis, il garde ses adeptes. Surtout avec l’arrivée des rasoirs de sécurité. Il permet d’éplucher, d’effiler (ou de fortement dégradé) dans un mouvement glissé aisé, voire, au contraire, de donner un résultat très net. Mal utilisé, le rasoir génère de gros défauts de coupe. Beaucoup le voient comme un crayon pour dessiner la coupe, surtout en fin de travail. Au même titre que le sculpteur, le rasoir permet d’effiler les contours. En coupe, le rasoir ne doit pas être l’excuse pour négliger de faire des séparations nettes.
- LA TONDEUSE : L’outil classique de la coupe homme courte et autres brosses, il permet un travail rapide. Dégradé, carré direct dans la masse, épluchages/effilages tout est question de techniques et de têtes de tondeuse. Une rapidité qui demande de la maîtrise. Les professeurs conseillent d’apprendre son usage en dernier Mal utilisée, la tondeuse manque parfois de subtilité mais est pratique pour tailler dans la masse, enlever les volumes et les placer. Pratique également en finition. Sabots ou peignes de protection permettent d’ éviter les catastrophes. En finition de carré, de nuque ou en effilage (partant de la racine vers la pointe) cet outil a sa place chez tout coiffeur.
La Rédaction de L'Eclaireur www.leclaireur-coiffeurs.com