L’étape du shampooing est souvent traitée un peu par-dessus la jambe, conçue comme un geste banal, sans valeur ajoutée. Or, c’est le premier contact avec les prestations du salon ! Des coiffeurs nous expliquent comment valoriser ce moment aux yeux de la cliente.
Si, bien sûr, comme le rappelle Pascal Tribouillier, fondateur de la marque Dayna, l’objectif est avant tout l’hygiène, le shampooing doit aussi constituer un moment de détente. De plus, les risques d’un shampooing mal fait sont réels, et listés ci-dessous par Philippe Tapprest (salons « Philippe Tapprest » à Troyes, dans l’Aube) et Muriel Duru (« Couleur des sens » à Bailly-Romainvilliers, en Seine-et-Marne). Sur des cheveux mal rincés, ou pas suffisamment propres, le brushing tient moins bien, ou alors il faudra plus de temps pour le réaliser ; quant à la couleur, elle risque d’être terne… S’il y a des résidus de shampooing, le cheveu reste gras.
1 - L’ŒIL DU PRO SUR LE CUIR CHEVELU
Comme toute la prestation, le shampooing démarre… au moment du diagnostic. On examine les cheveux et le cuir chevelu de la cliente, les soucis éventuels : rougeurs, pellicules, racines grasses… « Je questionne aussi la cliente, bien sûr, sur le shampooing qu’elle utilise chez elle », souligne Muriel Duru. Combien de fois par semaine se lave-t-elle les cheveux ? Et si celle-ci emploie un produit acheté en grande surface, on ne se récrie pas pour autant ! « En revanche, c’est une information utile pour la conseiller, poursuit la jeune femme, par ailleurs formatrice pour la marque Naturalmente. Je ne présente pas les choses de la même façon à une cliente déjà utilisatrice de shampooing acheté en salon, ou bien en parapharmacie, qu’à celle qui se fournit dans l’hypermarché du coin. A cette dernière, je réexplique tout le processus du produit, et les résultats que l’on obtiendra selon ce qu’il contient. » Et on joue la simplicité : « On évite les termes compliqués, en disant par exemple : ”Je vous fais un shampooing adapté à vos cheveux/votre cuir chevelu” », poursuit Pascal Tribouillier. Avant de laver les cheveux, certains coiffeurs sont adeptes du brossage. Objectif : débarrasser la fibre capillaire de tous les résidus de coiffants, poussières, etc. « On brosse dans tous les sens, et ce, même si le cheveu est fin, approuve Philippe Tapprest. Cela ne fait tomber que ceux qui sont déjà morts. » Avec tout de même une restriction : « S’il y a vraiment trop de gel, on passe directement au shampooing, car le brossage risque de casser la fibre capillaire. » Pour Pascal Tribouillier, en revanche, avec une cliente à la chevelure fine, pas besoin de brosser, on peut se contenter de passer les mains dans les cheveux.
2 - APPLICATION : ET POURQUOI PAS AU BANC DE COIFFAGE ?
Vient ensuite le moment de l’application proprement dite du produit. Depuis de longues années, Philippe Tapprest, suivant en cela la méthode René Furterer, dont il est directeur artistique, pose le shampooing au banc de coiffage. Et au pinceau, un peu comme on le fait pour une couleur ! « C’est la nature ou l’état du cuir chevelu qui me guide pour choisir le shampooing, et je l’applique donc directement sur celui-ci. » Objectif : valoriser le geste et la personne qui le pratique, entre autres quand c’est un junior. Et aussi, provoquer le dialogue et donc inciter au conseil. « En effet, les clientes sont étonnées la première fois, poursuit Philippe Tapprest. Elles me disent souvent : ”Mais je n’ai pas demandé de couleur !” » Pour sa part, Muriel Duru distingue deux situations : « Si j’utilise un shampooing traitant, en raison d’un problème spécifique, pellicules, par exemple, je l’applique au fauteuil, sur cheveux secs, à la pipette. L’idée, c’est de montrer à la cliente comment procéder, car elle sera amenée à refaire le traitement chez elle. Or, les femmes ne savent pas se laver les cheveux ! On ne le leur a jamais appris. » Ce n’est qu’ensuite que Muriel emmène la cliente au bac et émulsionne avec un peu d’eau. Là, elle choisit d’appliquer un autre shampooing pour laver les longueurs et les pointes : « Il est rare que les racines et les longueurs soient dans le même état », explique-t-elle. « En revanche, poursuit-elle, si je n’utilise pas de shampooing traitant, j’emmène ma cliente directement au bac, car j’ai un bac massant. Mais on pourrait, c’est vrai, l’appliquer au fauteuil. » Aujourd’hui, les bacs massants ont tendance à se généraliser dans les salons. C’est en général perçu comme un plus par les clients… « Toutefois, cela peut en agacer certains, ces sensations dans le dos… », avertit Pascal Tribouillier. Donc, on ne l’actionne pas par réflexe, et on pose la question. Pascal Tribouillier est quant à lui partisan de diluer systématiquement le shampooing : « C’est surtout pour faciliter l’application. Ils sont tous plus ou moins ”gélatineux”, et diluer le produit permet de le rendre liquide : il se répartit mieux et va directement en racines, là où le cheveu est plus gras. Les longueurs et pointes se lavent quasiment au rinçage, dès que la mousse, signe de propreté, apparaît. » « J’émulsionne un peu le produit dans la main, ajoute Muriel Duru, sinon, on peut le faire dans un récipient avec de l’eau. »
3 - UN MASSAGE, OUI, MAIS PAS N’IMPORTE COMMENT
Pratiquer un massage au bac devient également de plus en plus fréquent. Encore faut-il bien s’y prendre. Philippe Tapprest nous donne un exemple de ce qu’il fait : « Je fais une rotation qui part de la nuque en remontant vers la pointe frontale ; ensuite, je démarre des zones temporales pour aller vers le centre du crâne. J’effectue ces opérations plusieurs fois, en alternant l’une et l’autre technique. » Pour sa part, Muriel Duru, qui a été formée au massage de la tête, tranche : « Le problème, c’est surtout que c’est souvent un acte accompli sans conviction, et cela se sent : on a dit à la fille : ”Tu masses”, alors elle masse… » Donc, on y met du cœur, et on ne s’en sert pas comme d’un simple moyen pour attendre le coiffeur qui a du retard. Le rinçage sera bien entendu abondant. Cela dit, le sempiternel « jet d’eau fraîche » final n’est pas indispensable. Pour Muriel Duru, « il n’a d’intérêt, en fait, que sur le cuir chevelu, et ce n’est pas forcément très agréable ». Philippe Tapprest préfère le remplacer par un bouchon de vinaigre de rinçage dilué dans de l’eau. Pascal Tribouillier, de son côté, recueille un peu d’eau fraîche dans un bol, en puise un peu et fait tomber quelques gouttes sur les cheveux et le cuir chevelu. Pour le démêlage, on part des pointes pour remonter vers le cuir chevelu, et non l’inverse. La serviette sera bien sûr appliquée avec de douces pressions, et non en frottant énergiquement ! Une fois la cliente de retour au banc de coiffage, dans les salons de Philippe Tapprest on pratique à nouveau un massage, cette fois de la nuque et des épaules, pour délasser. Bref, l’idée est de valoriser le service et d’en faire tout sauf un geste banal. « Après, la cliente est en pleine forme pour aller voir le coiffeur ! » conclut Pascal Tribouillier.
Catherine Sajno
UNE OU DEUX APPLICATIONS ?
L’éternelle question : faut-il pratiquer un ou deux shampooings ?
Pascal Tribouillier est catégorique : « Deux shampooings, c’est trop : cela rend les cheveux électriques ; pour moi, c’est uniquement une démarche marketing. » Pour nombre de coiffeurs, tout dépend de l’état de la chevelure, de la date à laquelle remonte le dernier shampooing : ce n’est pas la même chose si la femme s’est lavé les cheveux la veille ou 4 jours auparavant ! Globalement, cependant, la fréquence des shampooings et l’hygiène générale des clients ont beaucoup progressé. « Il faut arrêter de dire qu’il est mauvais de se laver les cheveux tous les jours ! s’exclame Muriel Duru. Tout dépend du type de shampooing utilisé. D’ailleurs, on se lave le cuir chevelu, c’est-à-dire la peau, ce qui est différent. »