Coloration naturelle ou coloration végétale : sous ces vocables se cachent un grand nombre de techniques plus ou moins naturelles. En tout cas, la véritable coloration naturelle est un art subtil. Elle a ses limites mais bien moins que ce que l’on imagine… Dans le commerce, l’alternative végétale , c’est le henné, essentiellement utilisé pour les teintes et les reflets acajou (les bruns et noirs contiennent souvent des composés allergènes, les PPD, à 6%). Le professionnel a quant à lui de nombreuses cartes à jouer pour aller bien plus loin, tout en profitant de la dimension soin des colorations végétales. Ainsi Chez Marianne Gray, si la « chimie » (terme désignant par convention l’utilisation de produits synthétiques) n’est pas absente, la clientèle est habituée à la coloration « douce ». Plus de 90% des techniques sont ainsi naturelles et sans oxydation. Parfois Eos de Wella Professionals (majoritairement naturelle) est utilisée en soutien, mais les colorations d’oxydation classiques sont quasi bannies, si ce n’est pour des effets ciblés. L’un des avantages de ces colorations naturelles ? Le travail en transparence, l’absence de racines et des résultats éclatants grâce à une fibre préservée. Il en va de même chez Georges Bacon (Coiffure & Nature). Car même avec tout l’aspect soin désormais présent dans les colorations classiques, le cheveu devient plus poreux et terne au gré des techniques, insistent en chœur les tenants du tout naturel.
SOIN ET SUBTILITÉ DU RÉSULTAT
Marianne Gray fait figure de pionnière de ce mouvement. « Les colorations à base de henné suffisent le plus souvent, même si la couverture est partielle, en transparence. Avec un fort taux de cheveux blancs, on peut travailler l’esthétique par un blond cendré pour casser l’uniformité et déjaunir. Sans cheveux blancs, c’est plus facile. Pas question d’éclaircir, par contre. C’est pourquoi on se permet parfois un balayage pour patiner en coloration d’oxydation, mais c’est toujours sur moins de 10% de la chevelure, pour éclaircir, souvent, mais aussi pour foncer, une option souvent négligée, à tort. Le but est de personnaliser au maximum, pour aboutir à un résultat naturel, avec une large palette de reflets chauds, en fonction de la carnation, du diagnostic de sensibilisation de la chevelure et de la base naturelle de la cliente, avec le moins d’agressivité possible. Une approche naturelle permet d’assurer une belle chevelure 6 mois après le travail technique. » Sally, coloriste chez Coiffure & Nature, constate de son côté : « nous n’avons que peu de limites en coloration végétale, sauf pour l’éclaircissement ou les mèches. Nos couleurs se travaillent en couches épaisses d’une composition pâteuse. Pour obtenir un effet méché, on peut soit travailler en chimie classique, soit éclaircir légèrement au préalable quelques zones, pour induire un résultat varié de la coloration végétale. Bien sûr, pour une base très blanche, on n’obtiendra pas un brun avec le henné : la dominante sera rousse. Par contre, tous les reflets chauds ou la couverture en transparence, y compris à plus de 50% de cheveux blancs, sont envisageables. On peut aussi jouer sur quelques zones blanches pour obtenir des dorés. Mais le diagnostic est essentiel pour identifier les techniques précédentes, et aussi pour tenir compte de la texture du cheveu. Un cheveu blanc épais est délicat à colorer en coloration naturelle. Au coloriste de s’adapter, en travail mixte par exemple, avec des colorations semi-permanentes en racines et un travail végétal sur les longueurs et pointes. »
MÊLER LES TECHNIQUES EN DOUCEUR…
La coloration permanente d’oxydation n’est nullement incompatible avec ces approches, mais elle est en revanche parfois en contradiction avec le positionnement attendu des salons « naturels », souvent basé sur des effets subtils et évolutifs. Or l’oxydation crée une barre en repousse qui ne sera pas toujours acceptée par la clientèle. Attention, donc : henné, colorations végétales ou argiles, et colorations semi-oxydantes tout au plus doivent former l’arsenal du coiffeur ainsi positionné. Quelques produits spécifiques mélangeant chimie synthétique et végétale peuvent cependant se ménager une place, à l’instar d’Eos de Wella Professionals ou des colorations aux pigments naturels des gammes pro des laboratoires Phytosolba ou de La Biosthétique. Et Sally d’insister : « la coloration végétale doit avant tout être vue comme un soin gainant et nourrissant, c’est sa fonction première. » Ensuite, le mélange (pigments minéraux et plantes lyophilisées) est adapté en fonction du diagnostic pour la couleur, mais aussi selon l’état de la fibre ou du cuir chevelu. « Habituellement, nous ajoutons des huiles nourrissantes, mais s’il apparaît que le cuir chevelu est gras, on peut les enlever, le sébum sera ainsi mieux absorbé. » Pas de souci dans le mélange des techniques ? « Non, répond Sally. Passer de la chimie au végétal et vice versa n’est pas contre-indiqué. Simplement, trop de coloristes ne maîtrisent pas bien leurs bases, notamment la colorimétrie. Faire une coloration classique après un henné ne me pose, techniquement, aucun souci. Ainsi sur une base trop orange, je peux aussi bien ajouter des plantes pour foncer vers un marron chaud ou une coloration d’oxydation cendrée, en neutralisation. » Sur une vraie blonde, l’offre peut tourner autour d’un travail des nuances pour mettre en valeur le teint, comme l’explique Marianne Gray : « le plus important, c’est d’arrêter de parler de technique pour avoir une vision artistique et de beauté. Et d’éviter d’appliquer des produits agressifs sur le cuir chevelu. Nous colorons en douceur et sans effets de barre, car nous ne nous éloignons pas du naturel. Cela permet notamment de retrouver le plaisir de travailler sur de beaux cheveux longs, de plus en plus courants chez nos clientes. La technique est une aide, pas une fin en soi. Les nuances classiques que je travaille sont les bruns, les roux, les cuivrés ou le miel et le noisette, parfois en 3 couleurs différentes selon les longueurs. Enfin, il ne faut pas oublier les offres sur les blancs et les travaux de patine de la base naturelle en général. La couleur étant vue comme un soin, j’associe aussi la technique henné avec le passage sous vapeur avec apport d’huiles essentielles pour la réhydratation du cheveu et la détente des clients. »
LE CHOIX DE NE PAS OXYDER
Chez Coiffure& Nature, le brun se travaille notamment avec de la châtaigne ou des noix (d’aucuns conseillent le noyer et l’indigo), le blond étant l’apanage de la traditionnelle camomille, du bleuet ou de bien d’autres plantes, tandis que 2 types de hennés sont utilisés, celui d’Iran ou d’Egypte, selon l’intensité de cuivré désiré. La question de la tenue ne se pose pas de la même façon que pour la coloration d’oxydation. Sans démarcation, les colorations 100% végétales s’atténuent progressivement, à l’instar des colorations directes. Sur une base comprenant 50% de cheveux blancs, la couleur peut néanmoins tenir plus d’1 mois, voire 1 mois et demi, sur une chevelure naturelle. Le principal défi de la coloration naturelle, c’est qu’en plus de maîtriser ses bases de colorimétrie, il convient de mettre en place un concept d’utilisation et une véritable connaissance des plantes. On peut choisir d’utiliser des pigments naturels mais en appliquant des techniques classiques d’oxydation pour un résultat permanent. On peut opter pour une approche plus douce mais sans éclaircissement et avec une couverture limitée des cheveux blancs et avec des temps de pose assez variables selon le diagnostic et la teinte recherchée. Comptez de quelques minutes à… plusieurs heures ! Reste l’option intéressante des soin-colorants même si la plupart, bien que techniquement très intéressants, n’en sont pas moins chargés en petites quantités d’ammoniaque avec un léger effet éclaircissant, ce qui implique des démarcations et une petite sensibilisation.