En France, la revente de produits en salons reste cantonnée à un petit 5 % du chiffre d’affaires… avec de gros écarts selon les entreprises ! L’Éclaireur est allé à la rencontre de salons qui, malgré la conjoncture, maintiennent le cap de la revente ou progressent. Tour d’horizon…
«Le coiffeur n’est pas un vendeur… » : un constat qui ne se vérifie pas toujours ! Malgré la conjoncture, dans certaines entreprises la vente de produits fonctionne bien.
BIEN GÉRER LES CHALLENGES ENTRE COLLABORATEURS
Yannick Kraemer est aujourd’hui à la tête de 82 salons (6 qui portent son nom et 76 « Luis Kraemer »), qui affichent en moyenne 10 % de revente. Lui compte surtout sur la motivation des équipes : il a récemment fait évoluer ses méthodes. « Pendant longtemps, j’ai organisé deux challenges annuels d’un mois, puis j’ai remarqué que cette formule avait des effets pervers : elle incitait les collaborateurs à faire un gros effort pendant un mois, quitte à se relâcher ensuite ; parfois, ils faisaient même un peu de ”forcing” ! » C’est pourquoi, pour récompenser la régularité dans le travail, Yannick Kraemer a opté en 2010 pour une action étalée sur 6 mois. Et pour éviter la lassitude, car ce sont toujours les mêmes qui arrivent dans les 10 premiers, le franchiseur a choisi de faire gagner jusqu’à un tiers des participants : i-pad et ordinateur portable pour les premiers, mais aussi bons d’achat pour ceux qui sont un peu moins bien classés. Une organisation rendue plus facile par le poids commercial de son groupe auprès des marques, mais dont on peut s’inspirer. Autre possibilité lors des challenges, pour éviter de distinguer « toujours les mêmes » : varier les défis (par exemple, récompenser la meilleure progression). Bruno Glémain, lui aussi, organise des challenges dans ses 11 salons « Bruno Melgani » : « Chez moi, c’est ce qui fonctionne le mieux, mieux que les remises clients ou l’intéressement à la revente… Ce qui est paradoxal, car les primes à la revente peuvent rapporter plus aux salariés. »
JOUER L’ESPRIT SOIN…
Le « Salon en particulier », ouvert depuis peu à Lyon, affiche pour sa part un beau 22 % du chiffre d’affaires en revente. Et à Beaune (Côte-d’Or), jolie progression que celle de Serge Chamoy dans son salon « Au Premier » : malgré la conjoncture, il est passé en quelques années d’un classique 5 % du chiffre d’affaires à un résultat de 11 % à 12 %. Des chiffres qui n’ont pas été atteints par hasard. « Tout vient du fait que j’ai changé de salon, explique Serge Chamoy. Pourtant, nous sommes désormais en étage, ce qui empêche tout achat d’impulsion. » Il a créé dans ce nouvel emplacement un espace entièrement dédié au soin (Kérastase dans ce cas), avec un agencement aux couleurs de la marque et un référencement régulier des sorties produits. Comme l’explique Yann Lenoir, l’un des 4 associés du « Salon en particulier », « tout passe par le diagnostic ». Jusque-là, rien de bien nouveau, c’est ce qu’on apprend dans tous les stages de vente. Mais c’est une véritable stratégie qui est mise en œuvre dans ces deux salons. « Tout d’abord, la cliente a droit à un diagnostic à chaque visite… et pas seulement la première fois. Même si elle vient tous les 8 jours ! » précise Serge Chamoy. « Tout est noté sur ordinateur, y compris le produit qu’elle a éventuellement acquis la fois précédente, ajoute Yann Lenoir. En la regardant dans les yeux, on lui demande : ”Etes-vous contente de vos cheveux ? Qu’avez-vous pensé du shampooing, du soin acheté il y a 3 semaines ?’’ Bref, on lui parle d’elle. Et on lui propose toujours 3 produits, ce qui l’incite à en choisir un. » Et de poursuivre : « Pour moi, la crise a fait des dégâts au niveau de la consommation en général, car les gens réduisent leurs dépenses. Mais une femme aura plus tendance à acheter une jupe de moins qu’à sacrifier un budget beauté. » « Deux de mes collaborateurs, considérés comme ”ne vendant pas’’ là où ils travaillaient avant, s’y sont mis », conclut Serge Chamoy.
… OU MENER UNE POLITIQUE ACTIVE DE PROMOTIONS
Certains s’inspirent d’autres formes de commerce pour booster la revente. Ainsi, dans le groupe Serge Comtesse, les chiffres se maintiennent : « Il se trouve qu’à peu près au moment du déclenchement de la crise, nous avons lancé un programme de promotions valables 2 mois dans chaque affaire. » Des offres assez alléchantes, il est vrai : ainsi, un produit d’une contenance de 500 ml est vendu au prix de son « petit frère » en 250 ml ; ou bien, l’achat d’un soin donne droit à deux shampooings… Autant de « ventes flash » placées en tête dans les meubles dédiés (« en tête de gondole », dit le fondateur du groupe, à l’image de la grande distribution). « En général, poursuit Serge Comtesse, on essaie d’associer, lors de ces actions, un produit leader à un autre qui l’est moins. » Résultat : « Aujourd’hui, on est ”dedans”, la cliente joue le jeu, elle s’y retrouve et, surtout, ne va pas consommer ailleurs ! Par exemple en grande surface, ou chez les grossistes… » Car l’enjeu est bien là : puisque tout le monde achète du shampooing, autant que ce soit chez le coiffeur. Pour leur part, les salons « Bruno Melgani » ont organisé des promotions sur les produits entre Noël et le Nouvel An, pour déstocker. « Je me suis inspiré de ce qui se fait en supermarché, en plaçant des étiquettes devant chaque flacon ou pot : elles précisent le prix d’achat, mais aussi le prix ramené au décilitre », poursuit Bruno Melgani.
DES MEUBLES ATTRACTIFS ET UNE OFFRE DIVERSIFIÉE
L’une des pistes pour booster la revente peut aussi être de diversifier les produits proposés. Ainsi, Serge Comtesse, dans ses salons, référence désormais les stylers de la marque GHD. Bon choix, à une époque où les femmes aiment travailler leurs cheveux elles-mêmes. « Paradoxe en période de crise, cela a fait un tabac ! Et on en a vendu dans nos 3 enseignes : Serge Comtesse Prestige, Serge Comtesse, et aussi Self Coiff, même si c’était dans une moindre proportion », s’exclame-t-il. Même choix dans les salons « Bruno Melgani », qui ont enregistré une progression de 20 % en matière de revente l’an dernier. Yannick Kraemer conseille pour sa part de proposer au moins deux marques complémentaires à la revente : ainsi, lui vend Kérastase et sa propre ligne « Kraemer signes de beauté », positionnée « nature ». Pour Yann Lenoir, « c’est important d’avoir constamment des nouveautés à présenter, pour ”rebondir” sur les problèmes de cuir chevelu de la cliente. Mais attention, aussi, à l’overdose : on n’est pas non plus obligé de référencer tout ce que les marques proposent, cela peut être redondant, et les collaborateurs ne s’y retrouvent plus. » A propos de s’y retrouver » : attention également à l’agencement. « D’après mes amis, la façon dont les meubles sont disposés donne envie d’acheter ! note Serge Chamoy. J’ai placé un meuble de présentation en demi-cercle ; de plus, quand la cliente vient de l’accueil pour se rendre dans l’espace ”soin”, ou l’inverse, elle passe devant un présentoir… » Au « Salon en particulier », tout un mur est également dédié à la revente. Dans l’enseigne « Bruno Melgani », Bruno Glémain a pour sa part choisi de jouer une stratégie de produit, et non de marque : « J’ai acheté des meubles de revente ”neutres”, non liés à un fournisseur, pour mettre en avant les shampooings et les soins, et pas une marque. » La clé de la réussite étant aussi d’être convaincu que la revente fait partie intégrante de la profession : « Arrêtons de nous mettre dans le portefeuille des clientes, et faisons notre métier » s’exclame Yann Lenoir.
Catherine Sajno
QUELQUES CHIFFRES
• revente en salon : 5 % du chiffre d’affaires en moyenne
• seulement 1 % des shampooings vendus en France… le sont chez les coiffeurs ! (80 % dans le « mass market » et 3 % en pharmacie).
Source : L’Oréal Professionnel
• Évolution de la revente en volume (entre 2009 et 2008) : -6,5 %
• évolution de la revente en valeur (entre 2009 et 2008) : -6,9 %
Source : panel Score de la Fédération nationale de la coiffure
L’HUMAIN AU CŒUR DU SUJET
Les « multi-salons » l’ont tous constaté, les différences entre affaires sont notables : ainsi, le résultat peut varier de 19 % à 3 % dans les salons de Yannick Kraemer, et de 17,4 % à 2,7 % dans les 11 « Bruno Melgani ». Pour les responsables de ces franchises, pas de doute : « C’est le facteur humain qui fait la différence ! » Plus précisément, pour Yannick Kraemer et Bruno Glémain, « beaucoup de choses sont liées à la personnalité du manager : s’il est bon vendeur, il exerce un effet d’entraînement sur le reste de l’équipe ». « Mon rôle est ensuite d’agir comme un facilitateur, poursuit Bruno Glémain : produits bien présentés, prix affichés… » L’exemple vient d’en haut.
L'Eclaireur